Socialiste et fier de l’être ?

Publié le 15 janvier 2020
Rédigé par 
Serge

En écho à Jean-Pierre Viseur qui, récemment, intitulait sa propre contribution « Libéral et fier de l’être ? »

C’est la luuutte finâââleuh… Que n’avons-nous pas entendu déjà ce sympathique refrain ! Mais, si cette lutte est finale, c’est alors avec prolongations et penalties… car la cause sociale n’a guère avancé depuis des lustres. Elle aurait même plutôt reculé, à mon goût. Tous ceux qui l’entonnent, ce cri de « guerre », certes en sont fiers, mais… qu’est-ce qu’être socialiste, au fond ? Je n’ai pas la prétention de définir ce qui rassemble tous les gauchistes, mais seulement de montrer ce qui semble, selon moi, fondamental dans cette opinion politique que, d’ailleurs, on peut chérir tout en étant écologiste. Néanmoins, si l’on peut facilement être libéral et écolo, ou bien socialiste et écolo, il ne me paraît pas très cohérent d’être à la fois socialiste et libéral, pour la raison qui suivra.

Voyons d’abord ce que le libéralisme et le socialisme peuvent avoir en commun ; on comprendra pourquoi libéraux et socialos peuvent quand même se taper sur l’épaule, s’estimer réciproquement, partager sincèrement certains combats et, amicalement, plusieurs pintes ; car, le libéralisme, ce n’est pas « le mal », loin s’en faut. Attachés à la démocratie, à la justice, au respect de l’état de droit, libéraux et socialistes se trouvent d’accord aussi pour offrir à chacun d’entre nous le plus grand épanouissement possible dans nos sociétés. Je crois qu’un libéral authentique, tout comme un vrai socialiste, a pour projet que tous les citoyens soient heureux, et non pas une classe particulière d’humains, au contraire du fascisme, du nationalisme, de certains communismes… Ainsi, et par exemple, pour un type d’extrême-droite, seuls les Belges ont droit au bonheur (et encore ! seuls les Belges « pur jus »). Pour une fille d’extrême-gauche, on peut priver les méchants bourgeois de toute jouissance.

Malgré cet accord presque complet sur les valeurs qui précèdent, la fracture entre socialistes et libéraux s’opère en revanche sur la question de certaines autres valeurs – solidarité voire fraternité pour les uns, compétition et mérite pour les autres. Cela, par suite, se traduit en mesure sociales et fiscales différentes. Dans le chef d’un socialiste, en effet, et à cause de cette solidarité même qu’il promeut, le groupe prime sur l’individu ; la redistribution des richesses doit par conséquent, pour le gauchiste, être prioritaire si elle est mise en balance avec le respect du patrimoine matériel de chacun. Tout bien est d’abord commun, avant d’être éventuellement propriété privée.

Comment ne pas mettre ceci en perspective avec la nature, avec le combat écologique, qui vaut bien la lutte sociale ? Notre nature, notre planète, notre monde, c’est un bien commun ; le respecter, c’est peut-être priver certains humains d’une part importante de leur sacro-sainte propriété privée et entraver certaines libertés prétendument inviolables, afin que l’accroissement extrême de celle-là et l’exercice débridé de celles-ci ne détériorent pas un patrimoine collectif et unique.

Revenons au socialisme et au partage, après ce petit détour naturel, et concluons en même temps. Être socialiste, c’est vouloir que tout le monde soit égal. Non pas seulement en droit, mais aussi en fait ; c’est donc désirer qu’on partage, aussi bien nos peines que nos plaisirs, nos maux que nos biens, quoique pas n’importe comment. Comme personne n’est vraiment égal à quelqu’un d’autre, que des différences subsisteront toujours, il y a chez le socialiste une volonté d’égaliser, d’amenuiser les différences, au profit d’une équité matérielle, très différente de l’égalité pure et simple. Cette équité implique que, si l’on a beaucoup de biens, alors il est normal qu’on ait beaucoup de maux (traduisez : des impôts) ; si l’on a beaucoup de maux (par exemple, un handicap physique ou une famille très nombreuse), on doit obtenir un bien équivalent, une compensation sociale, pour supporter plus aisément nos fardeaux.

Il y a par conséquent de quoi être fier : être socialiste, au fond, c’est offrir – et s’offrir – aux autres, parce que personne ou presque n’aime souffrir. Quand on est un citoyen des pays développés, comme nous, être socialiste implique de renoncer à beaucoup de nos luxes et de nos caprices de primates… au profit des pauvres, des étrangers, de la nature, en bref de l’autre.

Baptiste Coppens

Baptiste Coppens

janvier 2020